2009/11/18

TURKESTAN LADYS / SHIRAZIK HYSTERIA

Trois extraits du poète Rûzbehân Baqlî Shîrâzî, "soufi des outrances" (1128/1209)

«Ce soufi ignorait encore que ce fût de la chambre du secret le plus personnel de sa réalité humaine propre, que viendraient à sortir, couverts des draperies de l’amphibolie, les êtres de beauté en qui se personnalisent les Attributs divins. Il lui fallait risquer la tête hors du manteau de la méditation, il fallait que les yeux de l’âme aient mis à leur service ses yeux de chair. Dans le monde des figures visibles, il guettait la qualification qui serait le signal de l’Aimée. Soudain, voici que de la ruelle où l’Opération divine ouvre sa taverne mystique, cette jouvencelle du couvent de la Toute-Puissance est sortie couverte du grand voile de sa chaste retenue ; elle s’est alors dévoilée au regard de l’âme qui la voyait sans la voir, puisque la voyant par l’organe de l’imagination active... N’est-elle pas la sage-femme qui aida à le mettre au monde, la mère de ce Terrestre, de ce soufi qui, à la trace des théophanismes, fit irruption en la ruelle où se dévoile la Toute-Puissance ?... Et soudain, répétant la locution prophétique mohamadienne, lui aussi dit à son tour : J’ai vu mon Dieu sous la plus belle des formes.»

«Une nuit, je contemplais le Lieu du Mystère. Il y avait des sortes de ruisseaux vides. Soudain Dieu me prit et m’égorgea. Une grande quantité de sang s’écoulait de mon cou ; bientôt tous les ruisseaux en furent remplis. Mais voici que mon sang prenait l’aspect de rayons du soleil au moment de l’aurore, quand il apparaît plus vaste que les régions des Cieux et de la Terre. Et des multitudes d’Anges prenaient de mon sang et en fardaient leur visage.»

«Une autre nuit, je contemplai Dieu au-dessus du Trône, dans les chambres nuptiales de l’intimité, se manifestant avec les attributs de la Beauté et de la Majesté. Il n’y avait personne devant lui hormis Gabriel versant des larmes et qui soudain déchira ses vêtements, sous la violence de son délire d’amour en présence de la Beauté divine... Un temps passa... Je vis des rochers sur lesquels coulait un grand fleuve pareil à un fleuve de perles. Je vis Khezr et Elie avec tous les Abdâl, lavant leurs vêtements dans le fleuve, et jamais je n’avais vu de spectacle plus enchanteur que leur vue à ce moment-là.»


Texte : Rûzbêhan Bâqlî Shîrazî, extraits du Jasmin des Fidèles d'Amour et du Dévoilement des Secrets
Images : Le Coran parlant